Départs de médecins, fermeture de certaines cliniques médicales : les effets de la Loi 2 sur le mode de rémunération des médecins risque d’affecter sérieusement les soins de santé en Montérégie-Ouest.
Réunis en assemblée générale le jeudi 26 novembre, les médecins de l’Association des médecins omnipraticiens du Sud-Ouest (AMOSO) ont activé la sonnette d’alarme face aux mesures préconisées par le gouvernement Legault dans ce dossier.
Le président de l’Association, le Dr Sylvain Dufresne, a indiqué d’entrée de jeu qu’un sondage réalisé parmi les membres démontre que 60 médecins sont en réflexion de quitter, dont une dizaine qui songent à une retraite précipitée et une trentaine qui sont en «préparation active» de quitter le système.
Ces départs risquent de priver une bonne partie de la population d’un accès à un médecin de famille et d’engorger davantage les urgences des hôpitaux, déjà surchargés.
Des GMF risquent de fermer
Les effets de la loi 2 se font déjà sentir dans certains GMF de la région. Le médecin responsable du GMF de Hudson, le Dr Gabrielle Grégoire, a fait savoir que cette clinique prévoyait fermer ses portes le 31 mars prochain.
Elle a indiqué qu’aucun des sept médecins de l’équipe, dont plusieurs jeunes médecins, n’était en mesure de s’engager à poursuivre pour la prochaine année, ce qui force le GMF, qui dessert 11 000 patients, à mettre la clé dans la porte.
La fréquence et la vitesse à laquelle la nouvelle loi force les médecins à offrir les soins aux patients sont en cause.
Du côté du GMF Le Trait d’union, à Delson, le Dr Jean-Philippe Chouinard affirme également que si aucune amélioration n‘est apportée au projet de loi, la clinique pourrait être forcée de fermer ses portes au 1er avril.
Celui-ci explique que la rémunération proposée dans le projet de loi se fait par capitation, c’est-à-dire que le salaire est payé plusieurs mois plus tard, ce qui empêche le gestionnaire du GMF d’assumer ses frais courants.
«On a fait faire une analyse indépendante qui démontre sans équivoque qu’on ne peut pas poursuivre pour deux ou trois mois à ce rythme-là… pour soutenir le réseau de la santé», dit-il.
«Ce n’est pas ce que je veux, ce n’est pas ce que mon équipe veut et on croit que ce n’est pas ça la solution.»
Le GMF Le Trait d’union représente 65 000 visites médicales annuellement et a développé diverses spécialités au fil des ans, a expliqué le Dr Chouinard. «Chez nous, on suit nos 21 000 patients GMF mais on fait aussi des suivis pour des patients non-inscrits ou d’autres qui ont des lacérations ou des fractures parce qu’on a une équipe qui peut s’occuper de ces cas-là», explique-t-il.
Cette autre clientèle n’aurait donc pas le choix que de se ramener aux urgences, déjà saturées.
Impact en 2e ligne dans les hôpitaux
La situation dans les hôpitaux comme Anna-Laberge, au Suroît ou Ormstown est aussi sensible aux effets du projet de loi 2.
Selon le chef de médecine du CISSSMO, le Dr Philippe Smith, l’Hôpital du Suroît connaît 5 départs de médecins dit «hospitalistes», ce qui vient créer une pression supplémentaire sur les équipes en place.
Des médecins œuvrant dans certaines spécialités, comme en gériatrie, à l’Hôpital Anna-Laberge et à l’Hôpital du Suroît, ont fait savoir qu’ils avaient déjà leur permis pour travailler en Ontario.
Le CLSC de Châteauguay a aussi vu son équipe passer de 8 à 5 médecins, dont deux en soins à domicile.
Un avenir sans relève médicale
Le nouveau mode de rémunération fait également fuir la relève médicale. Le GMF Universitaire Jardins-Roussillon a déjà formé plus de 40 médecins établis en Montérégie-Ouest depuis sa création.
Le Dr Mégane Lepitre mentionne que la loi 2 menace tout son travail. «Cette année, notre activité portes ouvertes a accueilli 1 externe, contre une vingtaine l’année précédente. Nos gradués n’appliquent plus sur nos PREM (plans régionaux d’effectifs médicaux) ou quittent la région.»
Deux jeunes médecins résidents ont aussi témoigné de leur déception face au contexte actuel. Le Dr Yasmine Moussaid affirme que le climat actuel l’a amenée à s’informer sur la possibilité d’aller pratiquer au Manitoba ou au Yukon.

«La loi 2 va m’empêcher de pratiquer la médecine que j’ai envie de pratiquer, dit-elle. Je veux prendre le temps avec mes patients, pas faire de la médecine fast food. Je refuse de voir mes patients comme des pastilles de couleurs alors que ce sont des gens qui ont des histoires complexes.»
L’Hôpital de Vaudreuil-Soulanges
Dans le contexte qui prévaut, l’ouverture prochaine du nouvel Hôpital de Vaudreuil-Soulanges soulève d’autant plus de questions, à savoir s’il pourra compter sur un personnel médical et infirmier suffisant pour assurer l’offre de services.
Le président de l’AMOSO, le Dr Sylvain Dufresne, voit d’un bon œil l’ajout de nouveaux lits de médecine dans la région. «Mais je doute qu’on puisse staffer le nouvel hôpital sans en fermer un autre. Lequel va fermer pensez-vous ? Je vous laisse réfléchir à ça…»
Il a salué la reprise des discussions entre le gouvernement et la Fédération (FMOQ) mais il admet que le lien de confiance a été brisé et que ça peut prendre du temps avant qu’il soit rétabli.

