Des années à bout de souffle en raison d’une maladie pulmonaire
Essoufflements et fatigue extrême faisaient partie du quotidien de Stéphanie Théorêt à son entrée dans la trentaine il y a une dizaine d’années. Sachant que son état n’avait rien de normal, elle a persisté auprès des médecins jusqu’à ce que le verdict tombe: celui d’une maladie pulmonaire orpheline et incurable.
Il aura fallu trois ans à la Candiacoise pour avoir des réponses, soit un diagnostic d’hypertension pulmonaire (HTP). Innombrables rendez-vous médicaux, examens pour l’asthme et électrocardiogramme se sont notamment enchaînés, selon les hypothèses des médecins. Une machine pour l’apnée du sommeil lui a donné espoir alors qu’elle semblait diminuer la fatigue à un certain point, mais les essoufflements ne cessaient pas.
La femme de 43 ans se souvient clairement de plusieurs signes inquiétants.
«Je marchais dans la rue et j’étais gênée tellement j’étais essoufflée. Je m’arrêtais en faisant semblant de regarder mon téléphone au bas de certains escaliers. Quand je transportais mes sacs d’épicerie, je devais m’asseoir parce que j’étais épuisée», raconte-t-elle.
Mme Théorêt relate aussi un événement qu’elle considère être un élément déclencheur. Elle marchait avec un ami de 20 ans son aîné et était à bout de souffle. Son pouls était alors à 150 alors que celui de son camarade était à 70. Elle savait que quelque chose clochait.
«Le pire moment»
Inquiète, Mme Théorêt n’a pas tardé à se rendre à l’hôpital. Malgré un urgentologue à l’écoute, le cardiologue la renvoyait chez elle le lendemain après des tests peu concluants. Elle y est néanmoins retournée sous les conseils d’un autre médecin qu’elle voyait pour l’apnée du sommeil. En l’espace de quelques jours, «tout a déboulé».
C’est un scan à l’iode qui a permis le diagnostic. L’annonce de celui-ci est un instant gravé dans sa mémoire.
«On m’a dit que mon cœur et mon artère pulmonaire étaient enflés. Je devais passer une échographie rapidement. Je me suis mise à pleurer. Je me souviens que mes yeux coulaient sans arrêt durant l’examen. Le médecin m’a ensuite annoncé que je faisais de l’hypertension pulmonaire», détaille-t-elle.
En lui expliquant la maladie qui s’attaque aux artères pulmonaires, on lui disait également que l’espérance de vie avec celle-ci était limitée à cinq ans.
«Le temps s’est arrêté», affirme-t-elle.
Mme Théorêt tient à partager son histoire afin de souligner l’importance d’un diagnostic précoce et d’une prise en charge rapide pour les patients. Elle en voit fréquemment qui ne sont pas diagnostiqués à temps et se considère chanceuse. Dans son cas, bien qu’elle doive avoir une machine à oxygène la nuit depuis un an, la médication a fonctionné. Elle peut vivre une vie sensiblement normale en respectant ses limites et est suivie aux trois mois.
«Je ne pouvais plus suivre mes amis à vélo, alors je me suis acheté un vélo électrique et maintenant, c’est eux qui ne peuvent plus me suivre!»
-Stéphanie Théorêt
Une rencontre déterminante
Mme Théorêt confie que durant son hospitalisation de 10 jours, elle s’est sentie très seule et désemparée. Une infirmière lui a suggéré de rencontrer une femme de la Fondation d’hypertension pulmonaire du Canada, Judith Moatti.
«Elle avait un pacemaker et était plus jeune que moi. Ça m’a tellement fait du bien de rencontrer quelqu’un qui vivait avec la maladie», se remémore-t-elle.
Ce contact lui a également donné envie de s’impliquer. Mme Théorêt est d’ailleurs vice-présidente de cette fondation depuis deux ans.
«Il y a des personnes âgées qui vivent avec cette maladie, mais également de jeunes mamans, puis des gens sont invalides et sans assurances. En plus de parler de l’HTP, on aide ces patients au quotidien», fait-elle savoir.
Diagnostic complexe
Le pneumologue Jonathan Lévesque reconnaît que les maladies pulmonaires sont complexes à diagnostiquer et importantes à démystifier, puisque les manifestations au stade précoce peuvent être liées à plusieurs facteurs. Il nomme entre autres la cigarette et le déconditionnement physique.
Les problèmes respiratoires, explique-t-il, sont souvent causés par des troubles cardiaques et les sous-diagnostics sont fréquents. Certains médecins ont notamment tendance à prescrire de la médication sous forme de pompes pour l’asthme sans avoir de diagnostic final et les tests spécifiques ne sont pas facilement accessibles, observe-t-il.
Dans le cas de l’hypertension pulmonaire, plusieurs patients atteints doivent patienter de deux à trois ans pour recevoir le bon diagnostic. Sans traitement, l’espérance de vie moyenne d’une personne souffrant d’HTP est de moins de trois ans. Cette maladie souvent invisible peut affecter n’importe qui, sans égard à l’âge, au sexe, aux caractéristiques sociales ou éthiques, explique la Fondation d’hypertension pulmonaire du Canada.
Toutefois, la maladie sous forme idiopathique – sans cause connue – ou héréditaire est plus fréquente chez les femmes. Les antécédents familiaux de la maladie, d’autres conditions médicales pulmonaires ou cardiaques, une grossesse, l’altitude, certains médicaments et toxines ainsi que l’obésité sont des facteurs de risque.
(Le Dr Lévesque. Photo gracieuseté)
Prendre soin de ses poumons
D’autres troubles plus fréquents affectent aussi les poumons, comme la maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC). Les symptômes incluent l’essoufflement à l’effort, la toux et des sécrétions. Une personne sur dix en est atteinte, affirme Dr Lévesque.
«Le facteur de risque numéro un de cette maladie, c’est le tabagisme. Quelqu’un qui a déjà fumé, qui a au-dessus de 40 ans et qui a des symptômes respiratoires devrait avoir un dépistage», soutient-il.
Dans le cas de la MPOC, la base du traitement est d’arrêter le tabagisme le cas échéant, de faire de l’activité physique, d’avoir un mode de vie sain en général et de se faire vacciner si possible contre la pneumonie, la grippe et la COVID-19 qui peuvent affecter les poumons. La maladie ne peut disparaître, mais les symptômes sont modulables, explique Dr Lévesque.