Une mère endeuillée fait la prévention du jeu dangereux
Zachary Costa a rendu son dernier souffle en mai dernier à Saint-Constant, dans des circonstances tragiques. Pour éviter d’autres morts par strangulation, sa mère July St-Onge milite pour la prévention du jeu dangereux.
Le 4 mai, l’adolescent a été retrouvé sans vie à son domicile. Une ceinture de karaté, attachée à son punching bag, a provoqué l’arrêt respiratoire.
«Son décès a marqué son entourage, a laissé savoir sa mère, en entrevue au Reflet près de 6 mois après le drame. Trois de ses enseignants à la Magdeleine ont été en arrêt de travail. Les pompiers [le père de Zachary est premier répondant], étaient en larmes. Il devait y avoir entre 350 et 400 personnes au salon funéraire.»
Son garçon avait tout juste 16 ans, adepte d’arts martiaux et de chasse. Un bon étudiant qui travaillait depuis deux ans chez Goodfellow. Zachary envisageait s’engager dans l’armée.
«Dans la journée, il m’a conduit à l’épicerie, se souvient Mme St-Onge. On était allé à notre casier postal où il venait de recevoir son permis de conduire. Il était tellement content.»
Or, le même soir, il a été victime, selon ses parents, d’un geste qui est «juste allé trop loin».
Une enquête du coroner est en cours a laissé savoir Mme St-Onge.
Un «entraînement» fatal
Des éléments font croire à Mme St-Onge que le geste n’était pas volontaire. La famille avait été endeuillée par le décès de la sœur de Zachary en 2018. L’adolescent avait aussi soutenu un ami qui avait eu des idées noires auparavant.
L’adolescent s’entrainait à raison de quatre fois par semaine au karaté et au jiu-jitsu.
«On est certain, son papa et moi, qu’il pratiquait la soumission par strangulation; il voulait tester ses limites, a avancé Mme St-Onge. Avec le recul, on avait commencé à voir des marques sur son cou. Il avait répondu que c’était notre chien Roxy qui l’avait grafigné. On l’avait aussi taquiné en lui demandant s’il s’agissait d’une sucette.»
Elle n’accuse pas le sport. Mais elle dit avoir discuté avec un entraîneur de karaté et un vieil ami de jiu-jitsu qui ont baissé le menton ou mentionné que ce genre de pratique devait se faire en tandem.
Une idée toutefois réfutée par Johnny Zemouli, directeur général de la Fédération québécoise de jiu-jitsu brésilien.
«Il s’agit d’un cas très marginal, mais très triste, a-t-il indiqué. J’assure à 99% que ce n’est pas enseigné [tester sa capacité à résister à la strangulation] en jiu-jitsu.»
Cette technique ne teste pas la limite des articulations ou des muscles, mais la vie, a poursuivi M. Zemouli.
«Déjà en compétition, chez les jeunes de 16 ans et moins, sur une soumission, l’arbitre n’attend pas que le jeune abandonne, a-t-il expliqué. L’arbitre arrête le combat.»
Prévenir plutôt que guérir
En France, l’association Accompagner – Prévenir – Éduquer – Agir – Sauver (APEAS) lutte contre les accidents dus à des jeux dangereux depuis 2002.
«Je pense que ça fait un peu partie du deuil tout ça. En tant que maman, je me suis rendu compte qu’il n’y avait aucune prévention.» – July St-Onge
Mme St-Onge a justement participé à un colloque en ligne avec le groupe.
«Depuis un an et demi, l’APEAS a plusieurs histoires en lien avec les arts martiaux mixtes; pourquoi on n’a rien ici au Québec ?, se questionne la mère. Je veux en parler ici. Parce que je sais que mon fils ne voulait pas mourir.»
Si la démarche de Mme St-Onge porte fruits, M. Zemouli sera volontaire pour partager l’information et participer au mouvement.
Jeu risqué vs jeu dangereux
L’an dernier, Bernard Drainville, alors ministre de l’Éducation, avait souhaité le retour du «roi de la montagne» dans les cours d’école. Il s’agit d’un jeu, généralement joué en hiver, où il faut demeurer au sommet et repousser les autres participants en bas de la butte enneigée.
La Société canadienne de pédiatrie parle du développement sain de l’enfant par le jeu risqué extérieur en vertu d’un équilibre à trouver avec la prévention des blessures.
Le jeu dangereux revêt un autre caractère. À titre d’exemple: le «jeu du foulard», qui suggère aux participants de s’asphyxier jusqu’à l’évanouissement. Des parents américains ont d’ailleurs porté plainte contre la plateforme TikTok en 2022, accusant l’algorithme de ce réseau d’avoir incité deux adolescentes à jouer à ce jeu qui s’est avéré mortel.
«Je me souviens d’avoir joué comme ça, a avoué la mère. Les jeunes ne connaissent pas les risques. J’ai vu plein d’amis à Zachary au salon funéraire et je leur ai dit d’arrêter ça, ils n’étaient pas au courant.»
Un petit pas à la fois, plaide-t-elle.
July St-Onge se fait la porteuse du message dans l’espoir de créer une journée nationale de prévention.
L’Institut national de santé publique du Québec, le ministère de l’Éducation et le ministère de la Santé et des Services sociaux ont tous laissé savoir au Reflet qu’elles n’avaient pas mené de travaux sur le sujet, pas plus qu’une politique n’était en élaboration.
