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Recycler la pluie à Saint-Constant

Il y a 2 heures
Modifié à 15 h 21 min le 21 octobre 2024
Par Ali Dostie

adostie@gravitemedia.com

30 472 litres. C’était la quantité exacte d’eau de pluie recyclée depuis janvier au chalet de la Base de plein air à Saint-Constant, lors du passage du Reflet le 15 octobre en avant-midi. Le système Oasis, de l’entreprise locale Écotime, y récupère l’eau de précipitations, qui sert ensuite où l’eau potable n’est pas essentielle, soit à l’arrosage extérieur… et aux toilettes.

Saint-Constant a profité de la construction de ce chalet de parc pour introduire le système de valorisation des précipitations qui fonctionne depuis le début de l’année. L’installation fait office de projet pilote pour la jeune entreprise. 

«Le but est de collecter un maximum de données pour voir les impacts d’un bâtiment et ensuite développer une stratégie de réduction d’empreinte hydrique pour les bâtiments, explique Eddy Dureuil, cofondateur et vice-président Développement stratégique des affaires chez Écotime. Si on veut atteindre des cibles de réduction de 10%, 15%, 20%, il faut le voir et le mesurer.»

L’économie d’eau varie entre 25% et 75% pour un bâtiment tel que le chalet de la Base de plein air, selon son utilisation et le nombre de personnes qui le fréquentent. Et bien que cela varie d’un lieu à l’autre, les toilettes peuvent représenter jusqu’à 25% de la consommation d’eau potable d’un bâtiment.

«Au Québec, il pleut beaucoup. On est chanceux d’avoir une bonne pluviométrie. Et ça aussi, c’est un irritant pour les villes. Donc revaloriser l’eau de pluie est avantageux.» 

-Eddy Dureuil, cofondateur d’Écotime

«Quand on flushe la toilette, est-ce que on a besoin de l’eau ultra traitée?, image le maire Jean-Claude Boyer. Quand tu y penses… c’est toute une chaine.»

Une vitrine

Les visiteurs peuvent voir concrètement les effets d’Oasis. À l’entrée du bâtiment et dans les salles de bain, des codes QR donnent accès à la quantité d’eau récupérée en temps réel.

Tant M. Dureuil que le maire croient à l’effet boule de neige pour sensibiliser la population : «donner l’exemple» aux citoyens, mais aussi à d’autres villes et ultimement, au privé.

Eddy Dureuil (Photo: Le Reflet - Vicky Girard)

Déjà, la Ville de Candiac recourra à Oasis pour son garage municipal, l’Atelier 25.  La cour municipale de Joliette, la caserne de Saint-Sulpice et d’autres projets sont inscrits au carnet de commandes et de réalisations de l’entreprise constantine, notamment grâce à la vitrine qu’offre le projet pilote de sa ville. 

«La Ville de Montréal est intéressée, elle est en train de faire un chalet de parc et ils voudraient voir ici», illustre M. Dureuil.

Un système Oasis dans une caserne permet de remplir les camions-citernes et de nettoyer l’ensemble de la flotte, de quoi inspirer peut-être la Régie de l’Alliance des Grandes-Seigneuries, qui doit construire deux casernes à Candiac et Saint-Constant. M. Boyer laisse entendre qu’il pourrait bien en glisser un mot au président de la Régie, le maire de Candiac Normand Dyotte.

À partir de sept typologies de bâtiments, Écotime a déjà créé une stratégie de réduction d’empreinte hydrique pour Lanaudière et entend le faire en Montérégie. 

«On vise le municipal, car c’est de là que ça part, détaille Eddy Dureuil. Les citoyens regardent, le milieu immobilier regarde. En ce moment, le privé me dit : "je ne paie pas pour l’eau, alors pourquoi je paierais cet investissement?" On va outiller nos municipalités, car ce sont elles qui ont le pouvoir de légiférer et d’influencer le privé à le faire.»

Contraindre fait plus rarement partie du «modèle d’affaires des villes», ajoute M. Dureuil, mais des incitatifs pourraient être mis en place.

À ce sujet, M. Boyer admet que c’est un enjeu auquel la Ville peut réfléchir. Il soulève l’idée d’une réduction de la redevance par porte que doit débourser un promoteur, si des initiatives de développement durable sont intégrées.

Pour le maire, ce projet pilote s’inscrit dans le Plan de développement durable de la Ville et il n’entend pas s’arrêter là. «On a un garage municipal qui s’en vient, un nouveau pavillon des aînés… Ce sera pris en compte. Nos nouveaux bâtiments, dans les prochaines années, il y aura cette utilisation. Plus on en a, mieux c’est.»

Oasis, d'une capacité de un mètre cube (Photo : gracieuseté)

Économie… de coûts

M. Dureuil fait valoir qu’une telle installation, qui a coûté environ 50 000$ à Saint-Constant, peut représenter des économies, car les infrastructures durent plus longtemps si elles sont moins sollicitées. 

En matière de réduction de coûts, il faut aussi penser à l’eau de pluie qui n’est pas dirigée vers l’usine de traitement de Candiac, laquelle dessert entre autres Saint-Constant.

Il en coûte 46 sous par mètres cube à Saint-Constant pour traiter l’eau. Ce montant ne tient pas compte de l’agrandissement à venir de l’usine de traitement d’eau. La facture de plusieurs dizaines de millions de dollars sera amortie sur plusieurs années au sein des villes desservies, via les quotes-parts. 

Comment ça marche ?

La grande boite bleue installée à l’abri des regards dans le chalet de parc comporte un bassin d’une capacité de 1000 litres, soit un mètre cube. Par un système de drain et de tuyaux, l’eau de pluie qui tombe sur le toit y est cheminée.

Elle passe d’abord dans un préfiltre, qui retire les plus gros déchets, pour ensuite aboutir dans un réservoir. 

«L’eau y arrive par le bas et un biofiltre se crée naturellement dans le fond. L’eau propre remonte et on l’attire par le dessus, pour qu’elle repasse dans une série de filtres», explique Anne-Claire Le Moguédec, responsable communication et marketing.

L’idéal demeure d’intégrer ces équipements lors de la construction, puisque convertir un bâtiment est plus coûteux. 
Oasis se distingue de la compétition, fait valoir M Dureuil, pour son système tout-en-un qui ne requiert pas plusieurs corps de métier pour son installation, et pour la simplicité de sa maintenance.

En ce mardi matin suivant des journées de pluie, le réservoir est plein.

Le propriétaire et Écotime peuvent connaitre en temps réel la quantité d’eau qui s’y trouve, l’eau récupérée depuis l’installation, et la maintenance nécessaire.

Eddy Dureuil, cofondateur d'Écotime (Photo : Le Reflet - Denis Germain)

«On peut utiliser un bâtiment comme un outil de rétention qui va réduire l’afflux d’eau pluviale dans les égouts», expose aussi Eddy Dureuil.

L’intelligence artificielle détecte lorsque les prévisions météorologiques annoncent de fortes pluies et avise le propriétaire, qui est invité à utiliser l’eau du réservoir, afin que celui-ci soit prêt à recevoir de grandes quantités.  
S’il ne peut s’en servir, le réservoir sera vidangé à distance avant les précipitations, à un moment où le réseau peut l’absorber.

Oasis n’est pas conçu pour éviter les inondations lors d’épisodes de pluies diluviennes comme le 9 août mais «plus il y aura de tels systèmes, plus ça fera une différence, résume Mme Le Moguédec. Chaque bâtiment fait sa part.»

En plus de l’appareil Oasis, Écotime distribue également Hydraloop, un équipement de revalorisation des eaux grises (douche, lavabos) réutilisées dans les toilettes.