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Communauté juive : au Chabad comme en famille

le samedi 04 mars 2023
Modifié à 9 h 21 min le 28 février 2023
Par Ali Dostie

adostie@gravitemedia.com

Le rabbin Zalman Samama se réjouit d’avoir été appelé à offrir des ateliers sur le judaïsme dans des écoles. (Photo: Le Courrier du Sud – Denis Germain)

Pendant des années, la Brossardoise Marie Deneyer croyait bien être «la seule Juive à des kilomètres à la ronde». Elle avait tout faux et le Chabad Rive-Sud le lui a prouvé. Pour plusieurs, le discret centre communautaire du boul. Taschereau à Brossard est devenu un lieu pour s’épanouir pleinement.

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«On aimerait que tous les Juifs de la Rive-Sud se sentent à l’aise de venir. L’important est de se retrouver dans la joie, dans l’accomplissement de soi-même, dans le respect de l’autre», exprime le rabbin Zalman Samama, attablé avec quelques habitués du Chabad et Le Courrier du Sud.

Entre 100 et 150 personnes fréquentent régulièrement le Chabad. Elles proviennent de Brossard, mais aussi des alentours, jusqu’à Chambly et Saint-Jean-sur-Richelieu.

M. Samama estime la communauté juive de la Rive-Sud à environ 2000 personnes et remarque une popularité grandissante des célébrations. C’est le résultat d’années d’efforts, depuis l’époque où sa femme Sterna Samama et lui organisaient des rencontres dans leur demeure. Le Chabad est ouvert depuis 2018.

«C’est comme si c’était une famille, je n’ai pas d’autres mots. Je me sens à l’aise», relate le Longueuillois Victor Azoulay.

Une métaphore que reprend le rabbin Samama. Le Chabad Rive-Sud, du mouvement Habad-Loubavitch, accueille les Juifs de tous les horizons, religieux ou non, pratiquants ou non.

Il remarque d’ailleurs que le Chabad est de plus en plus sollicité par des écoles et d’autres organisations pour présenter des ateliers sur le judaïsme. «Il y a une ouverture d’esprit. C’est plus ouvert à tout ce qui est religion, histoire, tradition…» observe Zalman Samama.

«Un des buts est de partager avec la communauté. On est ouverts.»

-Yaël Acoca

Yaël Acoca (Photo: Le Courrier du Sud - Denis Germain)

Avant la pandémie, un Shabbat réunissant Juifs et non-Juifs était célébré. «Il y avait beaucoup de curieux. C’est une force de notre communauté. On garde des rites, des traditions qui nous unissent. Et on continue d’exister», souligne Mme Acoca. 

Être Juif, librement

À ses côtés, Sheryl se réjouit d’avoir trouvé cette communauté, elle qui demeure très discrète et ne révèle qu’à très peu de gens son identité. 

«J’ai habité sur la Rive-Sud pendant 29 ans. Je n’ai jamais dit à un autre, qui n’est pas Juif, que j’étais Juive. Sauf un ami, partage-t-elle. Maintenant qu’il y a un Chabad, je peux entrer, apprendre et avoir des amis qui sont comme moi.»
Un silence expliqué par la peur d’être la cible de propos haineux ou de violence.

«Je n’ai jamais dit à mes deux plus jeunes qu’ils étaient Juifs, jusqu’à ce qu’ils aient l’âge de comprendre de se taire.»

-Sheryl

Marie Deneyer partage une anecdote à propos de sa fille qui, à l’époque où elle fréquentait l’École internationale de la Rive-Sud, a décidé de taire son identité lorsqu’elle a vu le traitement qu’a subi son amie, également Juive. 

«La jeune fille s’est trouvée avec des croix gammées sur sa table en classe, elle s’est fait cracher dessus, s’est fait traiter de sale Juive», se remémore Mme Deneyer.

Yaël Acoca semble choquée de la dureté de ces témoignages, n’ayant jamais vécu de telle discrimination. Elle n’hésite pas non plus à partager sa religion, avec des collègues de travail notamment.

«Chacun de nous a une histoire familiale bousculée, avec des pertes et fracas si on va plus loin dans nos lignées, ajoute Mme Deneyer, d’origine française. Mais ici, on est tous les mêmes.»

Pour la protéger, ses parents lui avaient interdit de s’approcher du judaïsme. Elle a respecté leur volonté jusqu’à leur décès. «J’ai été très heureuse de trouver le Chabad pour m’apprendre qui j’étais, d’où je venais», signifie-t-elle. 

«C’est ce qui fait notre force, ajoute M. Azoulay, originaire de Tunisie et depuis 30 ans au Québec. Peu importe le degré de religion, le peuple juif est uni.»

Victor Azoulay perçoit la communauté autour du Chabad comme une famille. (Photo: Le Courrier du Sud – Denis Germain)

Lois et traditions

Le Chabad est aussi un lieu d’apprentissage, offrant des cours d’hébreu et d’enseignement de la Torah.

La Torah a donné aux Juifs 613 commandements.  Certains concernent les hommes, d’autres les femmes, certaines lois sont liées à la maison, de sorte qu’un seul individu n’est pas visé par toutes ces lois.

«Pour les plus religieux, ce sera suivi à la lettre. Et d’autres, comme moi, on respecte certaines choses, avance Mme Acoca. Certains vont dire merci à Dieu de s’être réveillé, tout en se purifiant, en se lavant les mains. Dès qu’on veut manger ou boire quelque chose, il y a des prières, pour remercier de tout ce que nous avons.»

Certains respectent assidûment le régime casher qui implique entre autres de ne pas mélanger lait et viande.

Durant le Shabbat, jour de repos qui débute le vendredi soir et se prolonge tout le samedi, pas de voiture ni téléphone ni popotte. Le cholent, plat traditionnel de cette célébration, commence à cuire la veille, dans une mijoteuse.

«En tant que Juifs, on va essayer de faire ce qu’on peut. Même pour le plus grand rabbin, c’est très dur de tout respecter, philosophe Zalman Samama. Je peux apprendre quelque chose aujourd’hui et je réalise que je l’ai mal fait depuis je suis gamin. Mais à partir de maintenant, je vais bien le faire.»

Une question vient inévitablement. Comment toutes ces règles prennent-elles sens? 

«Il y a une façon de vivre où on ramène Dieu non seulement par une conscience personnelle, précise-t-il, mais par des actes, des actes que Dieu a dit qu’en faisant ainsi, tu vas te connecter à moi et tu vas pouvoir avoir un effet dans le monde, pas seulement matériel, mais spirituel.»

 


De «bons mangeurs»

La nourriture fait partie intégrante des coutumes juives. «On apprend et on mange!» lance d’ailleurs Marie Deneyer, lorsque le Journal demande ce que fait la communauté au Chabad.

Chaque célébration est liée à un aliment ou un mets: la pomme dans le miel au Rosh Hachana (Nouvel An), la friture à la Hanouka (Fête des Lumières), le matza (pain non levé) à la Pessah (Pâque), les bonbons lancés à la Bar-mitsvah.

«Sauf le Yom Kippour!» dit en souriant le rabbin Zalman Samama, en référence à ce jeûne de plus 25 heures. Mais après, c’est le festin.

 «Dans le judaïsme, on essaie de connecter le matériel et le spirituel, explique-t-il. Le but de la célébration est de se ressourcer, mais matériellement, ce sera avec la nourriture.»

«Au départ, c’est spirituel, insiste Victor Azoulay. On ne vient pas pour le repas, et après s’il reste un peu de spirituel on va le prendre. Ce n’est pas un restaurant!»