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Les Jeux de Paris, le rêve qu’Ana Laura Portuondo Isasi n’attendait plus

le lundi 22 juillet 2024
Modifié à 15 h 13 min le 22 juillet 2024
Par Michel Hersir

mhersir@gravitemedia.com

Ana Laura Portuondo Isasi visait les Jeux de Rio en 2016. Puis les Jeux de Tokyo en 2020. Deux rendez-vous ratés. Les Jeux de Paris de 2024? Elle n’y pensait même pas il y a un an. Pire encore, elle avait arrêté la compétition de haut niveau depuis belle lurette. Mais convaincue par sa sœur Adriana, elle a renoué avec sa passion en octobre 2023, et neuf mois plus tard, elle sera à ses premiers Jeux olympiques, à son plus grand bonheur.

C’est dans son club formateur, le club de judo de Boucherville, qu’Ana Laura Portuondo Isasi nous a donné rendez-vous. Au cours d’un généreux entretien, elle revient sur son parcours, ses peines et la chance qu’elle a obtenue afin de se tailler une place aux Jeux.

«C’est fou comment on peut faire de grandes choses, juste en ayant une opportunité», soutient-elle.

Son opportunité à elle? L’épreuve par équipe en judo.

Parce qu’en revenant à la compétition de haut niveau en octobre, elle n’avait pas les points pour se qualifier individuellement aux Jeux. Cependant, le Canada alignait une équipe presque complète pour participer à l’épreuve par équipe. Il ne manquait qu’une combattante dans une catégorie.

«J’ai été chanceuse. Rien ne me garantit que dans le prochain cycle, il va y avoir une équipe complète. Aux Jeux de Tokyo, on n’avait pas fait le volet par équipe», rappelle-t-elle.

En étant de l’épreuve par équipe, la judokate se qualifie automatiquement à l’épreuve individuelle.

La chance après la malchance

L’athlète de 28 ans est profondément reconnaissante de cette chance qui s’offre à elle, alors que les Jeux de Paris ne devaient pas être ses premiers.

«Tout allait bien en 2015, j’étais au meilleur de ma forme physique. J’ai fait les championnats canadiens, c’est mon 6e titre de championne canadienne, mais lors de cet événement, j’ai testé positive pour du salbutamol», rappelle-t-elle.

Ont suivi une suspension de deux ans, un appel rejeté, la perte de subventions en tant qu’athlète breveté, de son statut d’étudiante-athlète, ainsi qu’une interdiction de s’entraîner en centre national.

Du salbutamol, il y en avait dans sa pompe d’asthme. «Je suis asthmatique, j’ai tous mes documents comme quoi je dois prendre mes pompes avant un effort physique pour éviter des crises d’asthme. Lors de cet événement, j’ai fait le même processus que d’habitude, mais j’ai testé positive», indique-t-elle.

Cet épisode, la judokate le décrit comme le plus difficile, le plus traumatisant de sa vie, celui qu’elle a été longtemps incapable de raconter sans pleurer. Celui qui l’a rendu incapable de regarder les Jeux olympiques par la suite.

 

Ana Laura Portuondo Isasi a longtemps cru que son rêve olympique ne serait jamais réalisé. (Photo: Le Courrier du Sud ‒ Michel Hersir)

 

La fin et le retour

Après sa suspension, Ana Laura Portuondo Isasi est revenue à la compétition. Elle avait l’impression que si elle ne le faisait pas, elle capitulait devant son test positif.

«Je ne me suis pas dopée, je tiens ça jusqu’à la mort», assure l’athlète.

De retour sur les tapis en 2017, l’objectif était donc de se qualifier pour Tokyo 2020. Mais au cours des championnats du monde à Budapest en 2017, elle subit une commotion cérébrale, elle qui a un historique en la matière. Les docteurs lui conseillent d’arrêter tout sport de contact.

Ce qu’elle fera pendant six années. Le rêve olympique était à toutes fins terminé.

«Moi, je pensais que c’était fini, mais ma sœur m’a encouragée. Elle m’a dit : " je me sens tellement triste quand je t’entends parler de judo, parce que c’est amer pour toi. Fais juste essayer, tu te le dois pour tout ce qui t’es arrivé"», souligne-t-elle, sachant en outre qu’il y avait une mince possibilité d’une qualification par l’épreuve d’équipe.

De plus, un retour à la compétition lui offrait la chance de changer le narratif, «d’écraser» les articles de presse sur sa suspension.

À la mi-octobre 2023, la Laprairienne a donc contacté la haute performance pour voir ce qu’elle devait faire pour revenir à la compétition. Elle a participé à trois événements avant la fin de l’année et les remporte tous les trois.

«Je suis toujours asthmatique», rappelle-t-elle. Mais la pompe d’asthme restera bien rangée tant qu’elle fera de la compétition.

Un accomplissement, mais pas le dernier

De retour sur la scène internationale au début 2024, elle prend part à quatre compétitions et remporte notamment la médaille d’argent aux championnats panaméricains, battant au passage l’une de ses idoles, la cubaine Idalys Ortiz.

À la fin juin, elle est confirmée sur l’équipe olympique.

«Je veux me battre, je veux donner un bon show. Je veux être fière quand je vais finir cette expérience.»

– Ana Laura Portuondo Isasi, à propos des Jeux de Paris

«C’est comme si c’est venu rallumer une certaine flamme, un désir, une passion que je pensais perdue. Donc pour moi, juste d’y aller, c’est ma médaille. Je suis très reconnaissante, mais aussi contente de m‘être laissé la chance de le réessayer», soutient la judokate.

Sa qualification, elle la considère comme le plus grand accomplissement de sa vie. Ainsi, ira-t-elle à Paris avec le sentiment du devoir déjà accompli? Pas exactement.

«Je veux une médaille! Je sais que ç’a l’air fou pour certaines personnes, mais j’y crois, je pense que je peux faire une médaille, que je peux performer. Et je le dis en toute humilité. Je n’ai plus les mêmes habiletés que quand j’avais 18 ans, mon corps réagit différemment, ma récupération n’est plus la même. Plein de facteurs ont changé. Par contre, j’y crois!» affirme avec confiance Ana Laura Portuondo Isasi.

C’est ainsi que le 2 août, elle foulera les tapis de Paris la tête haute, prête à saisir sa chance.