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Les défis d'un organisme d'aide aux hommes violents

le mercredi 31 mars 2021
Modifié à 15 h 38 min le 30 mars 2021
Par Michel Thibault

mthibault@gravitemedia.com

Pat serre un bras et intimide sa femme Véro dans l’épisode du 24 février des Beaux Malaises 2.0. Témoin de la scène, Martin en parle avec leur ami commun Jean-François. « Cave », réagit-il. « C’est un cave mais c’est notre chum et il faut faire quelque chose », déclare le personnage de Martin Matte. Les deux osent aborder le sujet avec Patrick et réussissent à le convaincre d’aller chercher de l’aide. La scène lance un message pertinent aux yeux de Nycolas Renault, directeur général d’AVIF, un organisme d’aide aux hommes violents basé à Châteauguay. « En rencontre de groupe, quand les gars interviennent les uns, les autres, c’est beaucoup plus puissant. L’entourage des gens doit le dire que ça n’a pas d’allure, qu’il y a des ressources », affirme M. Renault, interviewé à la suite de la série de sept féminicides qui a ébranlé le Québec ces dernières semaines. Les autorités exhortent les hommes violents à demander de l’aide. M. Renault est bien d’accord mais les enjeux sont très complexes, dit-il. [caption id="attachment_101447" align="alignnone" width="674"] Tableau tiré du rapport d'activités 2019-2020 d'AVIF[/caption] Appels à l’aide Les demandes d’aide à AVIF ont bondi en 10 ans. Elles sont passées de 94 en 2011-2012 à 170 en 2019-2020. La progression s’est accélérée avec la pandémie. « Depuis janvier 2021, on enregistre une très grande hausse. En mars, nous avons eu 28 demandes alors qu’avant c’était environ 15 par mois », fait part Nycolas Renault. Le fait que la violence est moins tolérée par la société a pu contribuer à l’augmentation, selon lui. Avec huit intervenants, AVIF fonctionne à pleine capacité et ne peut répondre entièrement aux besoins. Une liste d’attente s’est créée, qui fait en sorte qu’un homme qui appelle pour obtenir du soutien obtient un rendez-vous parfois deux semaines plus tard. « Quand un homme prend tout son courage pour appeler et qu’on ne peut l’aider tout-de-suite, il peut avoir retrouvé un semblant d’équilibre deux semaines après et il ne vient pas au rendez-vous », déplore M. Renault. Le phénomène s’est produit 250 fois en 2019-2020. M. Renault précise que l’organisme tient compte de l’urgence des situations. « Actuellement, chacun a un entretien plus approfondi. On priorise les cas », souligne-t-il. Un homme en crise recevra du soutien sans délai. « Les participants en situation de rupture nous demandent une attention particulière lors de nos interventions dues au risque de passage à l’acte (acte violent, suicide ou homicide) qui se voit augmenté dans ces situations », informe l’organisme sur son site internet. Difficile recruter du personnel Le financement constitue un enjeu pour AVIF mais pas seulement. « Les ressources humaines ne sont pas suffisantes pour répondre aux besoins. Nous avons de la difficulté à recruter. La problématique n’est pas facile. Il faut avoir la cause de la violence conjugale vraiment à cœur », observe Nycolas Renault. Parmi les défis : « les gars qui vont contrôler leur conjointe, vont reproduire leur comportement en intervention, ça peut être ardu », remarque-t-il. « Pas un batteur de femmes » Un des objectifs de la démarche avec AVIF est d’amener les hommes à reconnaître leurs comportements violents. « Beaucoup de gars disent qu’ils ne sont pas des batteurs de femmes. Mais la violence c’est aussi verbal et psychologique », souligne le directeur général d’AVIF. Il approuve les messages du gouvernement du Québec qui circulent notamment à la télévision ce printemps. « Ça montre que la violence ce n’est pas juste frapper. Ça permet d’allumer sur autre chose », dit-il. « Il y en a qui ne se rendent pas compte de ce qu’ils font vivre à leur entourage. »   [caption id="attachment_101448" align="alignnone" width="697"] Tableau tiré du rapport d'activités 2019-2020 d'AVIF[/caption] Jeunes hommes En neuf ans à la tête d’AVIF, Nycolas Renault a constaté une augmentation du nombre de jeunes hommes parmi la clientèle. « Il y a neuf ans la strate d’âge la plus importante était celle entre 35 et 45 ans. Maintenant c’est plus 18 à 35 ans », indique-t-il. À quoi attribuer le phénomène ? « C’est mieux vu chez les jeunes de demander de l’aide », croit-il. Possible de changer Est-ce qu’un homme violent peut changer ? « Oui, mais il faut que la décision vienne de soi », confirme M. Renault. « Il y en a qui voit un gain à long terme. Que changer leur permet de garder leur conjointe, leur famille, leurs liens avec leurs enfants », détaille-t-il. Mais, prévient-il, « ce n’est jamais un problème réglé complètement. Si un homme arrête de réfléchir, le naturel revient ». Aussi, certains participants, par exemple, reviennent chez AVIF une fois par année pour garder le cap. Adolescents En collaboration avec d’autres organismes du milieu, AVIF a déployé un volet jeunesse-famille, qui vise à promouvoir les rapports égalitaires chez les adolescents. Il offre des ateliers de prévention dans les écoles secondaires ainsi que de la formation aux parents et aux professionnels. « Je crois beaucoup à la prévention auprès des jeunes dans les écoles. Il faudrait en parler à tous les gars et toutes les filles. Il y a beaucoup d’éducation populaire à faire sur la violence », affirme Nycolas Renault. « Prévenir la violence dans les rapports humains, prôner les rapports égalitaires entre les femmes et les hommes ainsi que de conscientiser les hommes à l’importance de leur santé et bien-être n’est pas des mandats simples à réaliser. Notre mission va au-delà de la clientèle qui fréquente notre organisme. Ainsi, nous souhaitons, par notre engagement au sein des diverses instances de concertation, avoir un impact de la transformation sociale auprès des communautés que nous desservons », fait part l’organisme. Prévention des homicides AVIF fait partie du projet de prévention des homicides (PHARE) sur le territoire Jardins-Roussillon. « Il nous arrive fréquemment d’avoir des discussions cliniques afin d’aider les partenaires du territoire à mieux cerner les dynamiques de violence et l’appréciation du risque d’homicide. Ce projet est directement lié à notre intervention en violence conjugale et familiale », fait part l’organisme. Il relève que plus de 40 % de sa clientèle est référée par le système judiciaire. « Nous désirons poursuivre notre rôle de premier plan, toutefois, les ressources humaines sont limitées pour le faire ce qui constitue continuellement un grand défi pour nous », précise l’organisme. Approche AVIF indique sur son site internet que son «approche est d'inspiration humaniste, c'est-à-dire que l'être humain est fondamentalement bon ». Pour AVIF, « les comportements violents sont acquis et non pas innés. Ils sont marqués et conditionnés par les stéréotypes de genre. Ils ont été appris parce qu'ils ont été observés, subits ou agi et récompensés. » Plusieurs participants ont d’ailleurs subi ou été témoins de violence dans leur enfance, selon l’organisme. « La personne doit apprendre comment elle pourrait s’affirmer autrement que par la violence dans l’optique d’entretenir des rapports égalitaires. Nous accompagnons les participants à développer une communication non violente dans l’ensemble des sphères de leur vie. »

Ressources d'aide

SOS Violence conjugale – 1 800 363-9010
AVIF - Action sur la violence et intervention familiale 330 rue Pierre-Boursier, suite 1200 Châteauguay J6J 4Z2 Téléphone: 450 692-7313 Jeunesse: 450 692-8746 avif@bellnet.ca www.avif.ca
Grand Longueuil Entraide pour hommes 1078, rue Sainte-Hélène Longueuil (Québec) J4K 3R9 Téléphone: 450 651-4447, sans frais : 1 833 651-4447 info@ehvr.org www.entraidepourhommes.org
   
Via L'anse 340, boul. du Havre, bureau 103 Salaberry-de-Valleyfield, J6S 1S6 Téléphone: 450 370-3200 info@vialanse.com www.vialanse.com