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Francisation aux adultes : des services réduits en milieu scolaire

Il y a 4 heures
Modifié à 16 h 33 min le 25 novembre 2024
Par Valérie Lessard

vlessard@gravitemedia.com

Les Centres de formation générale aux adultes des Grandes-Seigneuries ne prennent plus de nouvelles admissions en francisation. (Photo : Le Soleil - Archives)

Accéder à des cours de francisation pour adultes est de plus en plus compliqué. Les centres de services scolaires comme celui de Grandes-Seigneuries doivent réduire leur offre pour respecter les budgets exigés par Québec. L’organisme communautaire La Clé des mots à Saint-Constant ne fournit pas à la demande tandis que Complexe X a complètement cessé sa formation, faute de soutien du ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI).

L’Association des professeurs de Lignery, qui représente des enseignants qui travaillent sur le territoire du Centre de services scolaire des Grandes-Seigneuries, regarde avec inquiétude ce qui se passe dans les secteurs voisins ainsi qu’ailleurs au Québec. Au CSS Vallée-des-Tisserands par exemple, la totalité des cours de francisation a cessé en novembre, le budget étant épuisé.

Cette situation découle de l’exigence de Québec demandant que le financement consacré à la francisation ne dépasse pas celui de l’année scolaire 2020-2021, une année pandémique où l’immigration a été moins élevée. 

«On est très inquiets, on se demande quand le couperet va tomber», illustre la présidente Martine Provost. Elle n’a pas eu d’information officielle encore de la part du centre de service, mais des enseignants l’ont informée que six personnes qui étaient sur les listes de rappel et qui avaient une tâche depuis le début de l’année ne sont pas renouvelées dans la nouvelle session.

Le CSS des Grandes-Seigneuries a indiqué que pour la session débutant à la mi-novembre, les nouvelles admissions ne sont pas possibles pour le moment, mais qu’elles se poursuivent pour les élèves déjà inscrits. Environ 300 élèves suivent actuellement des cours de francisation dans ce secteur.

Le CSS des Grandes-Seigneuries reconnait que les nouvelles directives gouvernementales pourraient limiter prochainement les services de francisation offerts aux adultes. «À compter de février 2025, des ajustements pourraient affecter les lieux de formation (Sainte-Catherine ou Châteauguay), la fréquence des cours (temps plein ou temps partiel) ou le nombre d’élèves», souligne Hélène Dumais, directrice adjointe du service du secrétariat général et des communications au CSS des Grandes-Seigneuries.

Les syndicats craignent que les étudiants soient perdants sur le plan de la qualité de service dans les alternatives proposées pour la francisation.

«La francisation, c’est plus que l’apprentissage du français, c’est la transmission des codes de notre culture et de notre société. Le gouvernement doit changer de cap et s’assurer que les services de francisation puissent continuer à être offerts à la hauteur des besoins réels dans les centres de services scolaires, en toute cohérence avec le financement octroyé par le ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration», ajoute Mme Provost.

La Clé des mots déborde

À la Clé des mots, un organisme de Saint-Constant dédié à l’alphabétisation qui offre aussi de la francisation populaire, la réduction du nombre de cours de francisation en milieu scolaire se fait ressentir. «Je ne peux pas répondre à la demande, c’est impossible. Mes classes sont complètes, j’ai une liste d’attente», fait savoir Céline Brière, directrice de l’organisme. La Clé des mots ne reçoit pas de subvention pour offrir ce service.

 

L’organisme est en mesure d’accueillir une quarantaine d’élèves à la fois. Une vingtaine de personnes sont sur la liste d’attente.

«C’est tellement dommage pour ces personnes-là qui veulent s’intégrer et qui veulent apprendre», se désole Mme Brière.

«Huit ans de travail à la poubelle»

Pour Julie Dupuis, présidente directrice générale de Complexe X à Saint-Constant, qui offrait de la francisation en entreprise, les coupures en francisation aux adultes en milieu scolaire ne l’étonnent pas, puisqu’elle l’a vécu aussi au privé. Complexe X a décidé de fermer son département de francisation en avril après avoir perdu beaucoup de temps et d’argent en raison de décision du gouvernement. «On est passé d’un service qui était 100 % subventionné pour les entreprises à attendre de façon incroyable que le MIFI se réveille et prenne les choses en charge», explique-t-elle. La francisation représentait la moitié du chiffre d’affaires de Complexe X.

Julie Dupuis. (Photo : gracieuseté)

«On perdait de l’argent à maintenir une équipe de professeurs en place pour offrir le service alors que le gouvernement était complètement désorganisé. On a décidé d’arrêter tout ça», dit-elle.

Pas de coupe de budget, assure le ministre

En entrevue dans Le Devoir le 23 octobre, le ministre Jean-François Roberge s’est dit étonné de voir que des classes fermaient un peu partout au Québec alors qu’il assure ne pas avoir coupé dans le budget.

Selon le ministre, dans les six derniers mois, les CSS auraient francisé deux fois plus d’élèves dans toute l’année précédente. «C’est comme s’ils avaient choisi de dépenser 100 % de leurs budgets dans la première moitié de l’année. Puis là, ils nous disent qu’ils n’ont plus les sommes nécessaires pour poursuivre», a-t-il affirmé au Devoir.

Questionné sur les alternatives qu'ont les immigrants qui ne peuvent accéder aux cours en milieu scolaire, le ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI) a répondu que Francisation Québec travaille activement à «trouver des solutions». 

Les personnes qui sont touchées par l'arrêt des cours ou la diminution du service n'auront pas à se réinscrire. «Leur dossier sera traité en priorité et elles pourront poursuivre leur apprentissage en réintégrant un cours durant les prochaines sessions en fonction des capacités et de l’offre de cours dans la région, indique Emmanuelle Allaire, conseillère aux affaires publiques au MIFI. Certaines personnes pourraient aussi être dirigées vers des cours en ligne.»

Selon les données du Ministère, le délai moyen d'attente pour commencer un cours à temps complet, lors d'une première inscription, était de moins de 80 jours pour la période entre le 1er avril et le 31 octobre 2024.

Pour les cours à temps partiel, le délai moyen d'attente était de 113 jours ouvrables en date du 4 novembre 2024.