Diabète de type 1 : au-delà de la maladie, le fardeau mental
En moyenne, une personne atteinte de diabète de type 1 doit prendre 180 décisions par jour à propos de sa santé. Diagnostiqué il y a 40 ans, Pascal Lemieux en a assez d’être «son propre médecin». Le Candiacois réclame un meilleur appui du gouvernement, notamment dans la couverture des frais d’utilisation d’une pompe à insuline qui lui permettrait de retrouver une certaine paix d’esprit.
L’infirmier auxiliaire raconte qu’il doit s’injecter de l’insuline de 10 à 12 fois par jour avec un stylo, en plus de se réveiller la nuit pour poursuivre ses injections. Le fardeau de se soigner est lourd à porter, ne cache pas M. Lemieux qui confie avoir fait trois tentatives de suicide et vécu la dépression.
«Les diabétiques de type 1 se cachent pour souffrir, résume-t-il. Nous ne voulons pas en parler parce que nous avons honte d’échouer. Nous vivons dans la stigmatisation et dans l’isolement.»
Le cas médiatisé du décès du chanteur Karim Ouellet, qui avait cessé de traiter son diabète de type 1 et qui avait développé une dépendance aux drogues, en a conscientisé plusieurs. Claude Laforest a été touché par son histoire. La charge mentale des diabétiques de type 1 ne prend jamais de pause, fait-il remarquer.
«Nous avons un second système de pensée parallèle qui fonctionne constamment dans notre cerveau, une sentinelle qui nous tient aux aguets pour nous éviter l’hypoglycémie et l’hyperglycémie. Nous sommes forcés de prendre toutes sortes de décisions en matière d’alimentation, d’exercice physique, de prise d’insuline, etc.», rappelle celui qui porte un capteur lié à sa montre intelligente.
«Nous sommes toujours dans l’inquiétude. Pourquoi mon taux de glycémie est-il élevé ou bas, alors que je fais tout pour que ça fonctionne? Pendant ce temps, mon capteur fait bip toutes les cinq minutes pour me le rappeler», poursuit celui dont l’appareil a sonné durant l’entrevue. Une petite alarme difficile à ignorer, comme l’a constaté l’auteure de ces lignes.
Pompe à insuline hybride
Selon MM. Lemieux et Laforest, une partie de la solution réside dans l’utilisation de la pompe à insuline hybride. Cet appareil permet de déterminer automatiquement les besoins en insuline de la personne diabétique grâce à un capteur intelligent.
La Régie d’assurance-maladie du Québec (RAMQ) en rembourse l’achat, qui atteint plusieurs milliers de dollars, aux personnes de moins de 18 ans. Celles-ci peuvent continuer à bénéficier de la couverture après leur 18e anniversaire. Les diabétiques diagnostiqués à l’âge adulte, cependant, doivent assumer eux-mêmes les frais. L’élargissement de cette couverture est l’un des chevaux de bataille des deux militants.
«Ce qu’on veut, c’est rendre la technologie accessible à tous les diabétiques qui désirent l’utiliser. C’est un droit fondamental», estime M. Lemieux, qui agit à titre de porte-parole de l’Association québécoise des diabétiques de type 1 (ADQDT1).
Ce dernier, accompagné d’autres représentants de l’AQDT1, a déposé une lettre, le 28 août, au bureau du député provincial de La Prairie et ministre de la Santé, Christian Dubé, pour le sensibiliser à sa cause.L'attachée sur place a assuré qu'elle allait lui remettre en main propre.
«Le diabète de type 1 est une maladie orpheline dans un système de santé qui ne comprend pas les personnes qui en sont atteintes», fait valoir M. Lemieux.
L’Association est appuyée par une étude de l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS) qui recommande une couverture publique pour tous «à condition que le fabricant contribue à l’atténuation du fardeau économique», précise le document déposé en mai 2022. Ce dernier ne chiffre pas le montant à débourser par le gouvernement.
«C’est sûr que ça coûterait cher, reconnaît M. Lemieux, mais à long terme, on libérait de la place dans un système de santé qui en a grandement besoin. On permettrait à des diabétiques de type 1 de participer plus activement à la société. On a le droit d’avoir une qualité de vie normale.»
Andréanne McNally-Gagnon, Claude Laforest, Pascal Lemieux et Mario Bessette ont fait entendre leur cause à La Prairie, le 28 août. (Photo: Le Reflet – Audrey Leduc-Brodeur)
Couverture privée
Mario Bessette utilise la pompe hybride, puisque son utilisation est couverte par ses assurances privées à son emploi. À l’approche de la retraite, le résident de Saint-Hubert appréhende le moment où il devra la payer de sa poche.
«Je trouve les règles illogiques. La technologie existe, elle est disponible. Pourquoi ne pas la rendre accessible à ceux qui la demandent?», se questionne-t-il.
«Avant la pompe hybride, je n’avais pas passé une seule nuit tranquille. Aujourd’hui, je peux enfin dormir sur mes deux oreilles.» -Mario Bessette
M. Bessette estime que cet appareil devient un soutien essentiel lorsque la motivation à se soigner n’y est plus.
«Il y a toujours une période où la charge mentale devient plus intense. On se laisse aller et nos taux de glycémie varient. Durant cette période, une personne qui a une pompe intelligente comme la mienne n’aurait pas besoin d’y penser. J’ai tout utilisé : le stylo, les injections, la pompe normale, puis l’hybride. Il y a un monde de différences.»
Au moment de publier, le bureau de Christian Dubé n’avait pas retourné notre demande d’entrevue.