Des chaussures à la mémoire des 215 dépouilles d'enfants autochtones 

Une centaine de paires de chaussures d’enfants sont apparues sur le parvis d’une église à Châteauguay cette fin de semaine en guise d’hommage aux 215 enfants autochtones dont les dépouilles ont été retrouvées sur le site d’un ancien pensionnat à Kamloops, en Colombie-Britannique. 

Par Paula Dayan-Perez

Le 27 mai dernier, la chef de la Première Nation Tk'emlups te Secwépemc, Rosanne Casimir, annonçait la découverte des restes d’élèves de l’ancien pensionnat autochtone de Kamloops.
La nouvelle a créé une vague de tristesse et d'indignation à travers le pays. Alana Katsi'tsaienhne Thomas est allée placer des souliers sur le parvis de l’église Our Lady Of Perpetual Help (OLPH)  à Châteauguay avec ses enfants. «Si les pensionnats autochtones étaient toujours en cours, mes enfants me seraient-ils enlevés parce que je suis Mohawk, parce que je viens de Kahnawake? Ça frappe partout au Canada, ce n'est pas seulement moi. Ça frappe les mamans non autochtones, ça frappe toutes les mamans à travers le monde», confie-t-elle.

Une vague de solidarité 
Inspirée par des commémorations organisées à Kahnawake, Julie Simpson a été la première à placer des chaussures devant l’église de Châteauguay. «J’ai déposé quatre paires. Une pour chacun de mes enfants, raconte-t-elle avec émotion. Je l’ai partagé sur Facebook, dans le groupe communautaire de Châteauguay, et d’autres aussi. Les gens ont continué à amener des chaussures. Beaucoup de gens n'étaient pas au courant de la situation, de ce qui se passait. Alors certaines personnes essayaient de prendre les chaussures parce qu'elles pensaient que c'était un don. […] Je veux juste que tout le monde soit éduqué, qu'on en parle, qu'on sache que c'est ce qui s'est passé dans notre propre pays». 

La communauté de Kahnawake a aussi rendu hommage aux jeunes victimes cette fin de semaine. Une marche commémorative a été organisée et plus de 400 paires de chaussures ont été déposées devant l’église à Kahnawake.

Souliers enlevés et replacés
Dimanche, des résidents de Châteauguay ont exprimé leur colère en découvrant que les chaussures n’étaient plus sur le parvis de l’église OLPH. L’administration s’est expliquée en disant que les souliers avaient été déplacés pour les protéger de la pluie, et qu’ils ont été remis en place. 

Même si elle est reconnaissante que les chaussures aient été replacées, Mme Thomas trouve que ce n’était pas une bonne raison. «Ces enfants ont été enterrés pendant toutes ces années, combien de pluie est tombée sur eux ? Nous avons mis ces chaussures-là en sachant que ce sont de vieilles chaussures, qu’elles peuvent supporter n’importe quelle condition météorologique».

La mère s’est dite tout de même très touchée par l’implication des personnes non autochtones dans ces commémorations, non seulement pour le soutien «envers Kahnawake, mais aussi pour se souvenir des 215 enfants et de tous les autres enfants qu’on n’a pas encore retrouvés dans plus de 130 pensionnats à travers le Canada».

Elle a tenu à remercier les écoles de Châteauguay qui ont invité leurs élèves à porter la couleur orange lundi pour rendre hommage aux victimes. «Ça représente tout pour moi», dit-elle.

Sainte-Catherine réagit 
La Ville de Sainte-Catherine a émis un communiqué exprimant des condoléances aux familles touchées par la triste découverte. 

«En tant que communauté, nous avons un devoir de mémoire en vers ces enfants. Nos pensées se portent vers nos voisins, la communauté autochtone de Kahnawake, dont certains membres ont été confrontés à la dure réalité de ces pensionnats. Devant cette tragédie, il nous est impossible de fermer les yeux. Prenons plutôt un moment pour reconnaître les blessures infligées afin d’apprendre et avancer sur le chemin de la réconciliation» a affirmé la mairesse, Jocelyne Bates.

Une ligne d’aide 
Une ligne téléphonique d’aide aux anciens résidents des pensionnats autochtones et aux personnes qui sont touchées par les pensionnats a été mise en place à l’échelle du pays pour offrir un appui émotionnel et fournir des références pour l’obtention de services d’aide. Elle est offerte 24 heures sur 24, au 1 866 925-4419.