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Des chiens guides qui changent les perceptions

le mercredi 19 septembre 2018
Modifié à 6 h 12 min le 19 septembre 2018
Par Michel Thibault

mthibault@gravitemedia.com

«C’est une merveille, c’est extraordinaire !», dit Karine Desroches en parlant de son chien guide Criquet. «Prononcez Criquette comme dans l’Amour a ses raisons», précise la femme de Châteauguay non-voyante. Son conjoint Bruno Fauteux également aveugle et maître d’un Labernois de Mira approuve. «Nakota, c’est ma meilleure amie, confie-t-il. Elle est toujours de bonne humeur. Quand mon moral est plus bas, elle m’aide à reprendre du poil de la bête, si je peux m’exprimer ainsi.» En plus de leur offrir réconfort et soutien dans leurs déplacements, les chiens guides changent le regard des autres sur eux, soulignent M. Fauteux et Mme Desroches. «Avec une canne, les gens nous prennent un peu en pitié. Avec le chien, ils vont dire wow, vous êtes beaux. La communication n’est pas la même. Ça favorise le dialogue avec les autres. Ça amène des contacts humains», témoigne l’homme. «L’approche n’est pas la même. Peut-être que les gens sont plus gênés, plus réservés quand on se déplace avec une canne», note sa compagne. Troquer la tige blanche pour un chien représente un grand défi. Humain et animal arrivent à déambuler ensemble de manière sécuritaire au bout d’un long chemin. «Ils ne nous pitchent pas ça dans les bras et débrouille-toi !» assure Mme Desroches. Comment ça fonctionne ? Fondée par Éric St-Pierre en 1981, Mira effectue des croisements depuis plusieurs années pour obtenir des chiens disposant des caractéristiques voulues pour devenir guides, assister des personnes handicapées ou épauler des autistes. Nakota et Criquet sont nées de femelles reproductrices avec lesquelles elles ont passé les huit premières semaines de leur vie, jusqu’au sevrage. Suivant le processus habituel, elles ont été confiées à des familles d’accueil chargées de les socialiser. «Elles doivent être amenées dans des lieux publics pour se familiariser avec l’environnement où circuleront leurs maîtres», indique M. Fauteux. «Il faut les habituer au bruit, aux gens. Il ne faut pas que le chien soit agressif avec les humains», informe Mme Desroches. Les familles sont coachées par Mira. Après 10 ou 11 mois, l’organisme fait passer une série de tests aux recrues, voir comment elles réagissent à côté d’un tracteur, un autre chien ou un chat, par exemple. Pour passer la barre, le prospect doit rester calme et ne pas se laisser distraire. Si le chien réussit, il retourne en famille d’accueil jusqu’à l’âge de 13 ou 14 mois. Il sera ensuite éduqué chez Mira. «Ça prend six mois former un chien guide», souligne Bruno Fauteux.   Le chemin de l’humain Les personnes aveugles doivent faire une demande de chien guide par l’entremise de l’Institut Nazareth et Louis-Braille à Longueuil. «Ça peut prendre de un à trois ans», note M. Fauteux. Une fois la requête acceptée, les intervenants de l’Institut préparent les bénéficiaires au changement, qui est majeur. «Avec la canne blanche, c’est très tactile. On fait une lecture de l’environnement qu’on n’a pas avec le chien», fait part M. Fauteux. «Il faut apprendre à s’orienter juste avec l’écoute. Ça prend beaucoup de concentration», détaille Mme Desroches. Le couple explique que «l’oreille est comme un radar» et qu’en étant attentif il est possible de percevoir si on marche droit sur le trottoir en écoutant le trafic. «On a quand même des repères. Des bruits nous permettent de nous dire, on est rendus à tel endroit», observe le maître de Nakota. La formation à l’Institut dure six à huit mois. Quelques semaines plus tard, les gens font un séjour fermé de quatre à cinq semaines chez Mira pour voir si un jumelage est possible.   Premiers pas en tandem Dans l’affirmative, nouvel apprentissage avec les intervenant de Mira. «On fait nos premiers pas avec un faux chien. Il faut détecter quand il dévie. Un vrai chien peut dévier tranquillement de sa trajectoire», observe la dame. Elle et son conjoint soulignent que c’est toujours eux qui mènent le chien et non l’inverse, même quand il s’agit de traverser à une intersection. «Un chien ne voit pas les couleurs. C’est nous qui décidons quand passer en se fiant aux sons», clarifie M. Fauteux. Les duos effectuent leurs premières promenades autour du chenil de Mira. Puis ils élargissent leurs horizons. Ils vont déambuler avec les entraineurs dans des milieux urbains, notamment à Saint-Hyacinthe où se trouvent une série d’escaliers. «C’est très important de voir comment le chien se comporte devant un escalier», souligne Bruno Fauteux.   À la maison Une fois le programme chez Mira complété, maître et compagnon à quatre pattes rentrent à la maison. Un intervenant de l’organisme les accompagne pendant une demi-journée pour les aider à apprivoiser leur nouveau mode de déplacement dans l’environnement. Mira effectue aussi un suivi régulier et répond aux demandes d’assistance. «Quand on dit que ça coûte environ 35 000 $ former un chien, c’est tout ça», constate M. Fauteux.   Bénévoles Reconnaissant envers la Fondation Mira, le couple fait régulièrement du bénévolat pour l’organisme, notamment en recueillant des dons dans des lieux publics. Depuis 1981, Mira a donné 3000 chiens guides et d’assistance.   Ne pas caresser Le harnais d’un chien guide porte une affichette indiquant une interdiction de le caresser. «Pourquoi ? Il est méchant ?» demandent certains. Ce n’est pas la raison. Il est interdit de flatter un chien sous harnais parce que le geste le portera ensuite à aller vers les gens. «Par la suite, le simple regard de quelqu’un pourra l’attirer. Si notre chien va voir une personne, ça peut être très dangereux pour nous. C’est une question de sécurité», explique Bruno Fauteux. En général, les gens respectent la consigne. «Mais il y a des gens qui ne savent pas approcher un chien. Il y a de l’éducation à faire. Il faut demander avant», souligne Mme Desroches. Le couple autorise parfois les gens à caresser Nakota et Criquet sans leur harnais. «Dans ce cas, il ne faut pas flatter la tête. C’est un geste de dominance. Seul le maître doit flatter la tête de son chien», avertit Mme Desroches.  

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